Le portable des années 1900, l'e-mail avant la lettre, c'est la carte postale. D'un coût modique, elle est fiable, sûre. Qu'elle représente une rue, un petit métier, une scène pittoresque, un commerce ou un groupe, la vulgarisation de la photographie est à l'origine de cet engouement. Ces millions de vues nous renseignent sur l'habitat, les conditions de vie, l'habillement, le commerce... Elles nous montrent la France au tout début XX° sous ses moindres aspects.

vendredi 25 janvier 2013

Corso-fleuri, place de la Brèche



Joli lot de cartes photos.

Aucun lieu d'indiqué, mais on peut facilement reconnaître
sur la 1ère photo, l'église St André.






vendredi 4 janvier 2013

Cimetières protestants et/ou de famille (1)


Quand à Saivres, on jugeait les morts


Après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, le pouvoir royal considère qu'il n'y a plus de protestants en France. Privés d'état civil et d'existence légale, ils sont devenus des hors-la-loi se réfugiant dans la clandestinité de la pseudo conversion et la résistance. Dès lors, les inhumations ne furent plus discrètes mais secrètes. Les protestants eurent beaucoup à souffrir pour leur religion. Même les morts n'étaient pas épargnés. On peut citer le cas de la nommée Jeanne Branger du village de Paunay. Elle abjura le calvinisme sous la contrainte comme tant d'autres, mais ne se rendit jamais à l'église. En l'an 1700, à l'article de la mort, elle reçut la visite de François Boucher curé de Saivres, qu'accompagnait le sacristain François Maupin. Jeanne Branger refusa le secours de la religion qui, déclara-t-elle, n'était pas la sienne. Elle trépassa quelques heures plus tard et fut inhumée dans son jardin.

Une instruction ayant été ouverte sur dénonciation du dénommé Pierre Foucault de St Maixent, le lieutenant général de Saint Maixent, François Brunet sieur de l'Houmeau, ouvrit une instruction. Après audition de quelques témoins, le 1er avril 1700, la chambre criminelle de la sénéchaussée ordonna dans son jugement :

"... Avons déclaré et déclarons ladite Jollet atteinte et convaincue de crime de relaps et ordonnons l'exhumation du cadavre d'icelle par l’exécuteur des sentences criminelles de ce siège et que son cadavre soit traîné sur une claie, de la principale porte de la maison où elle est décédée jusqu'au bout de la rue principale du bourg de Saivres et privé de sépulture. Il sera adjugé en outre au profit du Roi, sur les biens de la condamnée la somme de trente livres d'amende".

Et la sentence fut exécutée.



L'origine des cimetières de famille, remonte au début du protestantisme et n'étaient pas différents de ceux des catholiques bien avant la promulgation de l’Édit de Nantes en 1598. La religion réformée devenue illégale avec la révocation de l’Édit de Nantes, les morts n'avaient plus droits aux sépultures dans le cimetière paroissial. Le cimetière, qui comme à Saivres, entourait l'église, était exclusivement réservé aux catholiques.

Les premières persécutions, consistaient à déterrer les cadavres des individus reconnus appartenant à la religion réformée, de la terre consacrée du cimetière et à les jeter aux ordures.

En cas de décès d'un protestant, il fallait dissimuler sa mort pour que le prêtre ne cherche pas à lui donner les sacrements de l’Église et l’inhumation se faisait de nuit dans un terrain proche de l'habitation. Pas question de tombeau ni de clôtures en pierres sèches. L'emplacement était matérialisé quelquefois par des pierres enterrées ou la plantation d'un arbre. Après l’Édit de Tolérance au XVIII° siècle, les choses n'ont guère évolué. Au décès d'un membre de la religion réformée, un parent ou un voisin allait demander au curé de la paroisse la sépulture au cimetière paroissial. Le curé refusait automatiquement et le déclarant devait adresser une requête au juge qui autorisait par ordonnance l'ensevelissement en terre profane.

Voici un exemple :

1773 Monsieur le lieutenant Général de la Police à Saint Maixent

22 déc

Supplie humblement Louis Redien laboureur demeurant au Grand Magnou paroisse de Saivres disant que Michel Delaumosne son oncle maternel agé d'environ soixante ans, est décédé la nuit dernière environ l'heure de minuit après une longue maladie, audit lieu du Magnou. Comme il ne fréquentait ny l’Église de sa paroisse ny les sacrements de l’Église et qu'il n'en a reçu aucun ny mesme vu son curé ny aucun prestre pendant sa maladie le sieur curé de Saivres luy refuse la sépulture ecclésiastique a ces causes le suppa. requiert que de considéré Monsieur s'il vous plaise luy permettre de faire inhumer le corps dudit Michel Delaumosne décédé veuf de Marie Jollet ou bon luy semblera et ferez Justice.

Signé : Louis Redien

Soit montré au procureur du Roy a St Maixent le xbre 1773

Signé : ... De Guibertière

Vû la présente requeste ensemble. L'ordonnance à nous de soit montré en date de ce jour, comme aussi les causes du refus du sieur curé de Saivres d'inhumer le corps dudit Michel Delaumosne énoncés en ladite requeste.

Je n'empêche pour le roy l'inhumation requise du corps dudit Michel Delaumosne pourvu toutefois qu'elle se fasse nuitamment et sans aucun scandale, et seront ces présentes ensemble. L'ordonnance à intervenir déposées au greffe du siège royal de police de cette ville pour y avoir recours en cas de besoin, à Saint Maixent ce 22 décembre mil sept cent soixante treize

Signé : illisible

Soit fait aussi qu'il est requis par le procureur du roy à St Maixent ce vingt deux décembre mil sept cent soixante treize.


En ce qui concerne les pasteurs, le lieu de leur inhumation était matérialisé par un sapin ou un cyprès. Ces arbres, dont on peut voir encore aujourd'hui, bien que plusieurs fois centenaires, étaient appelés des parpaillots. En réalité, ce mot était un sobriquet donné aux fidèles de la Religion Réformée.

Ce n'est qu'au début du XIX° siècle, la Révolution ayant rétabli la liberté de culte, que l'on vit apparaître les tombeaux de pierres et les enclos avec la sobriété traditionnelle protestante.

L'inhumation en cimetière de famille fut légalisée par un décret du 23 prairial de l'An XII et ouverte à tous les citoyens. Les protestants ayant leur cimetière particulier, continuèrent d'y enterrer leurs morts. De ce fait, des catholiques furent inhumés de la sorte en raison des mariages mixtes.

Après la Révolution, bien que devenus "biens communaux" ouverts à tous, les cimetières n'en furent pas moins divisés en deux parties avec quelquefois deux entrées (cas de Saivres), l'une étant réservée aux catholiques, l'autre aux protestants et autres proscrits de l’Église. A Saivres, le fond du cimetière, plus humide, était réservé aux protestants. Les deux parties du cimetière étaient séparées par un muret de pierres.

Le décret de l'An XII, à Saivres comme ailleurs, ne changea rien en matière de sépulture. Si cette pratique a tendance à disparaître, elle existe encore néanmoins dans les régions à forte implantation protestante.

Aujourd'hui, beaucoup de ces petits cimetières de famille n'existent plus ou sont complètement abandonnés aux ronces. Ceci est dû aux extinctions de familles, aux différentes cessions de terrains ou abandon volontaire du fait de l'ancienneté et de la vétusté. Malgré tout, quelques-uns restent entretenus et visités. Certains sont même inscrits à l'inventaire des sites pittoresques. Cependant il serait dommage de laisser disparaître ces témoins de notre histoire, qui est aussi l'histoire de gens simples qui ont tant souffert pour leur croyance.

Les inhumations, dans l'ancien cimetière communal, furent définitivement arrêtées en 1939.

Source : http://aper1.free.fr/sommaire.3.htm



Les photos de cet article ont été prises lors d'une balade dans le
village de Mautré (Commune d'Azay le Brûlé).